Plus conjoncturelles, les autres raisons d’accélérer la transition énergétique sont nombreuses : hausse du prix de l’énergie, nouvelles réglementations toujours plus exigeantes, fortes attentes de l’opinion publique, technologies pertinentes et matures à disposition…
Tous les acteurs économiques, industriels comme les fournisseurs de services sont conscients de leur responsabilité, de leur rôle de moteur et de modèle ainsi que de l’effet démultiplicateur de leurs actions.
Une trentaine de dirigeants se sont exprimés, à l’initiative de Schneider Electric, sur leurs parcours de transformation, leurs bonnes pratiques et les défis qui leur restent à relever. De leurs expériences ressortent 5 moyens d’accélérer.
Les 5 accélérateurs de la transition énergétique
La transition énergétique n’est pas un projet parmi d’autres ; elle s’inscrit forcément au cœur de la stratégie, et au-delà. « Aujourd’hui, avoir une stratégie bas carbone, ce n’est pas important, c’est indispensable » affirme Nicolas Joly, Directeur Général d’Icade. Elle doit être expliquée et comprise par tous et « déclinée en engagements concrets et chiffrés », insiste-t-il. C’est ainsi qu’Icade a prévu de réduire de 60% les émissions de son pôle tertiaire en 2030.
Une stratégie bas carbone est un gage de compétitivité dans le futur, un levier pour abaisser sa facture énergétique, se conformer à la réglementation, répondre aux attentes des clients, recruter sur un marché tendu et assurer la fierté de ses équipes. « La performance de l’engagement de nos équipes, de nos fournisseurs, de nos clients, de tout notre écosystème, est un des trois piliers de notre stratégie, avec la performance économique et la performance environnementale, » déclare Vincent Dessale, Directeur des opérations chez Nexans. Car la décarbonation sera collective… ou ne sera pas.
« Mobilisez vos équipes, pour qu'elles intègrent cette transition dans leur quotidien, » invite Nicolas Joly. « Rien n'est possible sans engager ses collaborateurs » renchérit Jean-Claude Bassien, Directeur Général Délégué de Nexity. Des objectifs clairs sont un pré requis indispensable. Mais d’autres leviers d’engagement peuvent être actionnés.
« Nous envisageons le développement d’une application mobile pour mesurer, encourager et valoriser les comportements vertueux grâce à la gamification », détaille Caroline Ceccaldi, Directrice Exécutive de CBRE. Basée sur un principe ludique, cette application va permettre de changer les comportements. « Aller à un rendez-vous en vélo plutôt qu’en voiture, utiliser le chauffage, l’éclairage et l’eau de façon plus raisonnée... la gamification est un puissant vecteur d’engagement. »
La transition énergétique est aussi un levier d’engagement : « Nous avons récemment installé, conjointement avec EDF ENR, un équipement photovoltaïque sur notre site de Pfastatt dans le Haut-Rhin qui va produire 20 GWh par an et couvrir environ 10% de la consommation de l’usine. C’est un bouclier contre l’inflation, un levier de compétitivité mais aussi un signal très fort pour nos clients et pour nos collaborateurs qui en tirent une grande fierté », explique Amandine Chaffois, VP Environmental Sustainability de Plastic Omnium.
Les trois ingrédients d’une stratégie bas carbone
Se lancer, faire le premier pas en pensant au déploiement global
Il n’y a pas que le premier pas qui compte, mais il est crucial. "Plus on va vite, mieux on s’en sort," a analysé le Banque Centrale Européenne. Alors, électrification, efficacité énergétique, transformation digitale, économie circulaire, décarbonation…
Mais par où commencer ? C’est la mise en marche qui est primordiale. Parmi les dirigeants interrogés, chacun avait commencé différemment, montrant que l’important est de faire le premier pas. Peu importe lequel.
« Quand on me pose cette question je réponds : Faites ! Et surtout ce qui est le plus simple pour vous, avec le meilleur retour sur investissement. Comme le déploiement de technologies liées à l’efficacité énergétique » conseille Laurent Bataille, Président de Schneider Electric France.
Pour CBRE, la stratégie est d’afficher de petites victoires pour tracer le chemin de la transition énergétique, le baliser. Ça, c’est pour l’engagement des collaborateurs. Pour les sujets plus techniques, les entreprises ont mis en place des POC (proof of concept ou pilote), comme la digitalisation d’un processus, l’installation de panneaux solaires ou d’une pompe à chaleur. Mais au-delà du POC, l’enjeu est de passer très vite au déploiement à toute l’entreprise. Chez Nexans, qui a d’abord travaillé avec deux usines pilotes sur la digitalisation des processus, le projet est désormais en cours de déploiement à toutes les usines du groupe. « Nous en sommes à 10 aujourd’hui et en 2025, nos 45 usines seront équipées » précise Lionel Fompérie, Directeur de la stratégie industrielle.
Trouver les bons partenaires pour passer le stade du POC
« Nous n’arrivions pas à aller au-delà du POC. Avec Schneider Electric, industriel lui aussi, nous sommes en phase de déploiement. »
Lionel Fompérie, Nexans
Donner du sens à la data
Le digital est un formidable accélérateur de la décarbonation, car il permet de mesurer précisément toutes les consommations d’énergie, d’eau et d’autres ressources ; mais aussi de modéliser les processus ou les usages afin de pouvoir les analyser et les améliorer.
« Pour le pilotage des bâtiments, nous utilisions des indicateurs qui étaient en fait théoriques. Nous étions dans une forme de réalité virtuelle jusqu’à l’émergence de cette exigence d’efficacité et de sobriété. Pour piloter réellement nos consommations, le digital est indispensable, » explique Jean-Claude Bassien.
Mais sans stratégie ni priorisation, les données accumulées n’ont pas de sens et peuvent vite déborder les capacités d’analyses.
Mesurer c’est progresser
« Avec des chiffres et des mesures objectives, le digital permet de réaligner toutes les fonctions de l’entreprise »
Eric Bogne, Global Energy Director de Auchan Retail
Agir plutôt que subir
De la contrainte jaillit la créativité. Taxe carbone, volatilité des prix de l’énergie, raréfaction des ressources comme l’eau par exemple, cyber menaces… les contraintes sont de plus en plus nombreuses. S’y préparer maintenant nécessite de l’investissement en temps et en ressources. « Mais c’est un investissement positif, créateur de valeur. Il faut s’emparer de ces sujets car les clients l’exigent, » déclare Nicolas Joly. Les réponses trouvées aujourd’hui seront autant d’avantages concurrentiels demain.
Les contraintes ne sont pas toujours réglementaires, l’enjeu est parfois de saisir un événement extérieur pour accélérer. « Après des menaces d’attaque, nous avons fait le choix de piloter notre cybersécurité, plutôt que de la subir », détaille Lionel Fompérie. « Cela va nous permettre de faire basculer plus vite nos autres usines sur le modèle de notre usine pilote digitalisée. » Relever le défi de la cybersécurité maintenant permettra d’exploiter tout le potentiel du digital, dans des écosystèmes ouverts qui deviendront la norme.
« Prendre le sujet à bras le corps aujourd’hui, c’est un enjeu de création de valeur demain »
Nicolas Joly, Icade
Inspirer et s’inspirer
« Les énergies alternatives ne sont pas encore totalement en capacité de remplacer les énergies fossiles. La capacité d’initiative des acteurs économiques doit faire la différence, » plaide Jean-Claude Bassien. « Avec 110 000 personnes présentes dans 110 pays, nous avons une responsabilité dans ce domaine, nous devons montrer l’exemple, » renchérit Caroline Ceccaldi.
Schneider Electric a fait baisser de 15% la consommation énergétique de son usine d’Alès, dans le Gard, grâce notamment au monitoring précis de ses consommations et a permis d’arrêter l’utilisation de gaz grâce à la mise en place de pompes à chaleur capables de restituer du chaud ou du froid par adsorption de chaleur fatale. « Nous avons fait visiter le site aux patrons d’autres usines à 30 km à la ronde, » raconte Laurent Bataille.
Faire savoir, donc, mais aussi s’inspirer de ce qui est réalisé dans d’autres domaines complètement différents du sien, pour trouver de nouvelles pistes d’amélioration, de nouveaux leviers d’accélération et faire bouger les limites.
« Nous sommes allés chercher des idées chez des industriels de l’agroalimentaire, dans des milieux très différents du nôtre. »
Vincent Dessale, Nexans